Chromatika

Modalités pratiques

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Quelles sont les modalités pratiques de l’entretien socratique ?

La plus élémentaire lucidité déontologique commande d’éviter avant tout le piège que constitue la pratique privée (au sens mercantile du terme). De manière à préciser la nature de la pratique socratique publique, on envisagera très brièvement les trois acteurs respectivement en présence : la structure-mère, le visiteur et le philosophe-praticien.

La structure

Évoluer dans une structure publique — l’A.S.B.L. Centre de philosophie pratique « Chromatiques whiteheadiennes » — permet au philosophe de recevoir des visiteurs indépendamment de leur contrainte financière, la structure jouant le rôle d’interface. S’il est en effet inévitable que l’engagement dans le dialogue soit scellé par un investissement financier, celui-ci doit être proportionnel aux capacités budgétaires du visiteur.

Le visiteur

Le visiteur demande — par courriel "info AT chromatika.org" (remplacez « AT » par « @ ») ou par téléphone <010 48 94 20> — l’instauration du dialogue sur un point particulier qui fait existentiellement problème. Ce faisant, il s’engage dans un processus court (une demi-douzaine de séances au maximum) aux objectifs clairement définis par lui. Le visiteur orientera de facto la nature du dialogue et donc le dosage de créativité, d’efficacité et de vision qui répond à sa situation. (Voir ci-dessous l’explicitation des « principes directeurs ».)

Le praticien

Le praticien conduit le dialogue (il ne le dirige pas) selon trois jeux de principes.
D’une part, sa pratique est fondamentalement socratique : faire en sorte que le visiteur devienne son propre juge, c’est-à-dire qu’il devienne à même de mettre en relief les présupposés de son agir personnel et/ou de tout paradigme-cible. Le visiteur ne saurait être un vase que l’on remplit, mais bien un feu que l’on allume, une source que l’on fait jaillir.
D’autre part, cette exigence « minimale » est structurée par l’intuition fondamentale de la philosophie whiteheadienne — l’avancée créatrice (qui est introduite dans l’article suivant) — et par certains principes de la thérapie brève, tels qu’axiomatisés par Watzlawick[1].

Bien qu’il ne s’agisse pas à proprement parler de faire œuvre thérapeutique, il est en effet nécessaire de donner un cadre adéquat au dialogue socratique qui, stricto sensu, fut pratiqué dans des conditions totalement étrangères à celles, généralement purement pragmatiques, qui réunissent le philosophe-praticien et le visiteur. Relevons à ce propos deux divergences significatives : le but radical annoncé par Socrate — la quête rationnelle de la vie authentique — comme la manière dont il poursuit ses investigations publiques (à distinguer de son enseignement privé) — il initialise le dialogue et s’empresse de ridiculiser son vis-à-vis — ne correspondent pas aux conditions initiales de l’entretien philosophique. Ce dernier devra s’attacher à éclaircir un point litigieux donné en un nombre de séances convenu à l’avance. Le dialogue est mené du point de vue du visiteur, avec son langage, à partir d’une contextualisation précise (on pourrait dire réticulaire) de ce qui fait problème. Le problème débattu est très précisément celui qui est injecté dans le dialogue par le visiteur : il n’y a pas lieu de considérer a priori que le problème ne constitue que le phénomène de surface d’un « trauma » qu’il faut nécessairement exhumer.

Ces principes fondamentaux doivent rester très généraux de manière à ce que la primauté du vécu du visiteur soit garantie. Répétons qu’il ne s’agit pas d’imposer un cadre interprétatif, mais d’aiguiller imperceptiblement le visiteur vers son « centre » personnel et, ce faisant, de lui permettre de reprendre son individuation.

Remarquons enfin que le philosophe-praticien ne procède jamais par prescription de lectures philosophiques supposées édifiantes ou par exposé ex cathedra.

[1] Principalement dans
(i) Paul Watzlawick, Janet Helmick Beavin, Don D. Jackson, Pragmatics of Human Communication. A Study on Interactional Patterns, Pathologies and Paradoxes, New York, W. W. Norton & Company, 1967 et
(ii) Paul Watzlawick, John Weakland, Richard Fisch, Change. Principles of Problem Formation and Problem Solution. Foreword by Milton H. Erickson, New York, W. W. Norton & Company, 1974.
Cf. Michel Weber, « The Art of Epochal Change », in Franz Riffert and Michel Weber (eds.), Searching for New Contrasts. Whiteheadian Contributions to Contemporary Challenges in Neurophysiology, Psychology, Psychotherapy and the Philosophy of Mind, Frankfurt am Main, Peter Lang, Whitehead Psychology Nexus Studies I, 2003, pp. 252-281.
Et M. Weber, « Principes de la temporalité douloureuse chez Whitehead et Watzlawick », in Georges Charbonneau et Bernard Granger (sous la direction de), Phénoménologie des sentiments corporels. Volume I. Douleur, souffrance, dépression, Paris, Le Cercle herméneutique, 2003, pp. 63-67.

Voir également le site Academia.

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